750 grammes
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Plume-pudding

Gastronomie

20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 23:26
Argan

J'ai quelquefois des maux de coeur.

Toinette

Le poumon.

Argan

Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.

Toinette

Le poumon.

Argan

Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c'étoit des coliques.

Toinette

Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez?

Argan

Oui, Monsieur.

Toinette

Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin?

Argan

Oui, Monsieur.

Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas et vous êtes bien aise de dormir?

Argan

Oui, Monsieur.

Toinette

Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture?

Argan

Il m'ordonne du potage.

Toinette

Ignorant.

Argan

De la volaille.

Toinette

Ignorant.

Argan

Du veau.

Toinette

Ignorant.

Argan

Des bouillons.

Toinette

Ignorant.

Argan

Des oeufs frais.

Toinette

Ignorant.

Argan

Et le soir de petits pruneaux pour lâcher le ventre.

Toinette

Ignorant.

Argan

Et surtout de boire mon vin fort trempé.

Toinette

Ignorantus, ignoranta, ignorantum. Il faut boire votre vin pur; et pour épaissir votre sang qui est trop subtil, il faut manger de bon gros boeuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande, du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner. Votre médecin est une bête. Je veux vous en envoyer un de ma main, et je viendrai vous voir de temps en temps, tandis que je serai en cette ville.
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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 23:23

Dorante

Songeons à manger.

Laquais

Tout est prêt, Monsieur.

Dorante

Allons donc nous mettre à table, et qu'on fasse venir les musiciens.(Six cuisiniers, qui ont préparé le festin, dansent ensemble, et font le troisième intermède; après quoi, ils apportent une table couverte de plusieurs mets.)

 

Acte IV

 

Scène I

Dorimène, Dorante, Monsieur Jourdain, deux Musiciens, une Musicienne, Laquais

Dorimène

Comment, Dorante? voilà un repas tout à fait magnifique!

Monsieur Jourdain

Vous vous moquez, Madame, et je voudrois qu'il fût plus digne de vous être offert.(Tous se mettent à table.)

Dorante

Monsieur Jourdain a raison, Madame, de parler de la sorte, et il m'oblige de vous faire si bien les honneurs de chez lui. Je demeure d'accord avec lui que le repas n'est pas digne de vous. Comme c'est moi qui l'ai ordonné, et que je n'ai pas sur cette matière les lumières de nos amis, vous n'avez pas ici un repas fort savant, et vous y trouverez des incongruités de bonne chère et des barbarismes de bon goût. Si Damis s'en étoit mêlé, tout seroit dans les règles; il y auroit partout de l'élégance et de l'érudition, et il ne manqueroit pas de vous exagérer lui-même toutes les pièces du repas qu'il vous donneroit, et de vous faire tomber d'accord de sa haute capacité dans la science des bons morceaux, de vous parler d'un pain de rive, à biseau doré, relevé de croûte partout, croquant tendrement sous la dent; d'un vin à sève veloutée, armé d'un vert qui n'est point trop commandant; d'un carré de mouton gourmandé de persil; d'une longe de veau de rivière, longue comme cela, blanche, délicate, et qui sous les dents est une vraie pâte d'amande; de perdrix relevées d'un fumet surprenant; et pour son opéra, d'une soupe à bouillon perlé, soutenue d'un jeune gros dindon cantonné de pigeonneaux, et couronnée d'oignons blancs, mariés avec la chicorée. Mais pour moi; je vous avoue mon ignorance; et comme Monsieur Jourdain a fort bien dit, je voudrois que le repas fût plus digne de vous être offert.

Dorimène

Je ne réponds à ce compliment, qu'en mangeant comme je fais.
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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 23:21
Maître Jacques

Vous n'avez qu'à parler.

Harpagon

Je me suis engagé, maître Jacques, à donner ce soir à souper.

Maître Jacques

Grande merveille!

Harpagon

Dis-moi un peu, nous feras-tu bonne chère?

Maître Jacques

Oui, si vous me donnez bien de l'argent.

Harpagon

Que diable, toujours de l'argent! Il semble qu'ils n'aient autre chose à dire: "De l'argent, de l'argent, de l'argent." Ah! ils n'ont que ce mot à la bouche: "De l'argent." Toujours parler d'argent. Voilà leur épée de chevet, de l'argent.

Valère

Je n'ai jamais vu de réponse plus impertinente que celle-là. Voilà une belle merveille que de faire bonne chère avec bien de l'argent: c'est une chose la plus aisée du monde, et il n'y a si pauvre esprit qui n'en fît bien autant; mais pour agir en habile homme, il faut parler de faire bonne chère avec peu d'argent.

Maître Jacques

Bonne chère avec peu d'argent!

Valère

Oui.

Maître Jacques

Par ma foi, Monsieur l'intendant, vous nous obligerez de nous faire voir ce secret, et de prendre mon office de cuisinier: aussi bien vous mêlez-vous céans d'être le factoton.

Harpagon

Taisez-vous. Qu'est-ce qu'il nous faudra?

Maître Jacques

Voilà Monsieur votre intendant, qui vous fera bonne chère pour peu d'argent.

Harpagon

Haye! je veux que tu me répondes.

Maître Jacques

Combien serez-vous de gens à table?

Harpagon

Nous serons huit ou dix; mais il ne faut prendre que huit; quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix.

Valère

Cela s'entend.

Maître Jacques

Hé bien! il faudra quatre grands potages, et cinq assiettes. Potages... Entrées...

Harpagon

Que diable! voilà pour traiter toute une ville entière.

Maître Jacques

Rôt...

Harpagon, en lui mettant la main sur la bouche.

Ah! traître, tu manges tout mon bien.

Maître Jacques

Entremets...

Harpagon

Encore?

Valère

Est-ce que vous avez envie de faire crever tout le monde? et Monsieur a-t-il invité des gens pour les assassiner à force de mangeaille? Allez-vous-en lire un peu les préceptes de la santé, et demander aux médecins s'il y a rien de plus préjudiciable à l'homme que de manger avec excès.

Harpagon

Il a raison.

Valère

Apprenez, maître Jacques, vous et vos pareils, que c'est un coupe-gorge qu'une table remplie de trop de viandes; que pour se bien montrer ami de ceux que l'on invite, il faut que la frugalité règne dans les repas qu'on donne; et que, suivant le dire d'un ancien, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.

Harpagon

Ah! que cela est bien dit! Approche, que je t'embrasse pour ce mot. Voilà la plus belle sentence que j'aie entendue de ma vie. Il faut vivre pour manger, et non pas manger pour vi... Non, ce n'est pas cela. Comment est-ce que tu dis?

Valère

Qu'il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.

Harpagon

Oui. Entends-tu? Qui est le grand homme qui a dit cela?

Valère

Je ne me souviens pas maintenant de son nom.

Harpagon

Souviens-toi de m'écrire ces mots: je les veux faire graver en lettres d'or sur la cheminée de ma salle.

Valère

Je n'y manquerai pas. Et pour votre soupé, vous n'avez qu'à me laisser faire: je réglerai tout cela comme il faut.

Harpagon

Fais donc.

Maître Jacques

Tant mieux: j'en aurai moins de peine.

Harpagon

Il faudra de ces choses dont on ne mange guère, et qui rassasient d'abord: quelque bon haricot bien gras, avec quelque pâté en pot bien garni de marrons.

Valère

Reposez-vous sur moi.Molière, L'Avare, III, 1

Maître Jacques

Vous n'avez qu'à parler.

Harpagon

Je me suis engagé, maître Jacques, à donner ce soir à souper.

Maître Jacques

Grande merveille!

Harpagon

Dis-moi un peu, nous feras-tu bonne chère?

Maître Jacques

Oui, si vous me donnez bien de l'argent.

Harpagon

Que diable, toujours de l'argent! Il semble qu'ils n'aient autre chose à dire: "De l'argent, de l'argent, de l'argent." Ah! ils n'ont que ce mot à la bouche: "De l'argent." Toujours parler d'argent. Voilà leur épée de chevet, de l'argent.

Valère

Je n'ai jamais vu de réponse plus impertinente que celle-là. Voilà une belle merveille que de faire bonne chère avec bien de l'argent: c'est une chose la plus aisée du monde, et il n'y a si pauvre esprit qui n'en fît bien autant; mais pour agir en habile homme, il faut parler de faire bonne chère avec peu d'argent.

Maître Jacques

Bonne chère avec peu d'argent!

Valère

Oui.

Maître Jacques

Par ma foi, Monsieur l'intendant, vous nous obligerez de nous faire voir ce secret, et de prendre mon office de cuisinier: aussi bien vous mêlez-vous céans d'être le factoton.

Harpagon

Taisez-vous. Qu'est-ce qu'il nous faudra?

Maître Jacques

Voilà Monsieur votre intendant, qui vous fera bonne chère pour peu d'argent.

Harpagon

Haye! je veux que tu me répondes.

Maître Jacques

Combien serez-vous de gens à table?

Harpagon

Nous serons huit ou dix; mais il ne faut prendre que huit; quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix.

Valère

Cela s'entend.

Maître Jacques

Hé bien! il faudra quatre grands potages, et cinq assiettes. Potages... Entrées...

Harpagon

Que diable! voilà pour traiter toute une ville entière.

Maître Jacques

Rôt...

Harpagon, en lui mettant la main sur la bouche.

Ah! traître, tu manges tout mon bien.

Maître Jacques

Entremets...

Harpagon

Encore?

Valère

Est-ce que vous avez envie de faire crever tout le monde? et Monsieur a-t-il invité des gens pour les assassiner à force de mangeaille? Allez-vous-en lire un peu les préceptes de la santé, et demander aux médecins s'il y a rien de plus préjudiciable à l'homme que de manger avec excès.

Harpagon

Il a raison.

Valère

Apprenez, maître Jacques, vous et vos pareils, que c'est un coupe-gorge qu'une table remplie de trop de viandes; que pour se bien montrer ami de ceux que l'on invite, il faut que la frugalité règne dans les repas qu'on donne; et que, suivant le dire d'un ancien, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.

Harpagon

Ah! que cela est bien dit! Approche, que je t'embrasse pour ce mot. Voilà la plus belle sentence que j'aie entendue de ma vie. Il faut vivre pour manger, et non pas manger pour vi... Non, ce n'est pas cela. Comment est-ce que tu dis?

Valère

Qu'il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.

Harpagon

Oui. Entends-tu? Qui est le grand homme qui a dit cela?

Valère

Je ne me souviens pas maintenant de son nom.

Harpagon

Souviens-toi de m'écrire ces mots: je les veux faire graver en lettres d'or sur la cheminée de ma salle.

Valère

Je n'y manquerai pas. Et pour votre soupé, vous n'avez qu'à me laisser faire: je réglerai tout cela comme il faut.

Harpagon

Fais donc.

Maître Jacques

Tant mieux: j'en aurai moins de peine.

Harpagon

Il faudra de ces choses dont on ne mange guère, et qui rassasient d'abord: quelque bon haricot bien gras, avec quelque pâté en pot bien garni de marrons.

Valère

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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 23:17
il y a peu de passants dans la rue de Taïohaé : les agitations incessantes de notre existence européenne sont tout à fait inconnues à Nuka-Hiva. Les indigènes passent la plus grande partie du jour accroupis devant leurs cases, dans une immobilité de sphinx. Comme les Tahitiens, ils se nourrissent des fruits de leurs forêts, et tout travail leur est inutile... si, de temps à autre,
quelques-uns s'en vont encore pêcher par gourmandise, la plupart préfèrent ne pas se donner cette peine.
La popoï, un de leurs mets raffinés, est un barbare mélange de fruits, de poissons et de crabes fermentés en terre. Le fumet de cet aliment est inqualifiable.
[...]

On nous fit grande fête à Papéuriri, et nous y passâmes quelques journées délicieuses. -le soir par exemple c' était triste, et dans l' obscurité je sentais, quoi qu' on fît pour nous égayer, la solitude et la sauvagerie de ce recoin de la terre. La nuit, quand on entendait au loin le son plaintif des flûtes de roseau, ou le bruit lugubre des trompes de coquillage, j'avais conscience de l'effroyable distance de la patrie, et un sentiment inconnu me serrait le coeur.
Il y eut chez Tiahoui des repas magnifiques en notre honneur, -auxquels tout le village était convié : des menus très particuliers, des petits cochons rôtis tout entiers sous l' herbe, -des fruits exquis au dessert, -et puis des danses, et de charmants choeurs d' himéné.

[...]
Après la cérémonie, nous passâmes dans la salle du banquet. C'était en plein air, au milieu des cocotiers que les tables étaient dressées sous des tendelets de verdure.
Les tables pouvaient contenir cinq ou six cents personnes ; les nappes étaient couvertes de feuilles découpées et de fleurs d'amaranthes. Il y avait une grande quantité de pièces montées, composées par des Chinois au moyen de troncs de bananiers et de diverses plantes extraordinaires.
A côté des mets européens, se trouvaient en grande abondance les mets tahitiens : les pâtes de fruits, -les petits cochons rôtis tout entiers sous l' herbe, -et les plats de chevrettes fermentées dans du lait. On puisait différentes sauces dans de grandes pirogues qui en étaient remplies et que des porteurs avaient grand' peine à promener à la ronde. Les chefs et les cheffesses venaient à tour de rôle haranguer la reine à tue-tête, avec des voix si retentissantes et une telle volubilité qu' on les eût crus possédés. Ceux qui n' avaient point trouvé de place à table mangeaient debout, sur l' épaule de ceux qui avaient pu s'asseoir ; c' était un vacarme et une confusion indescriptibles...
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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 21:56

  CE qui fait tout le mécompte que nous voyons dans la reconnaissance des hommes, c'est que l'orgueil de celui qui donne et l'orgueil de celui qui reçoit ne peuvent convenir du prix du bienfait."

"La vanité et la honte et surtout le tempérament font la valeur des hommes et la chasteté des femmes, dont on mène tant de bruit."

"Il y a des gens dont tout le mérite consiste à dire et à faire des sottises utilement, et qui gâteraient tout s'ils changeaient de conduite."

"On se console souvent d'être malheureux en effet par un certain plaisir qu'on trouve à le paraître."

"On admire tout ce qui éblouit, et l'art de savoir bien mettre en oeuvre de médiocres qualités dérobe l'estime, et donne souvent plus de réputation que le véritable mérite."

"L'imitation est toujours malheureuse, et tout ce qui est contrefait déplaît avec les mêmes choses qui charment lorsqu'elles sont naturelles."

"Peu de gens connaissent la mort; on la souffre non par la résolution, mais par la stupidité et par la coutume, et la plupart des hommes meurent parce qu'on meurt."

"Les rois font des hommes comme des pièces de monnaie: ils les font valoir ce qu'ils veulent, et on est forcé de les recevoir selon leur cours et non pas selon leur véritable prix."

Voilà tout ce que j'ai de maximes que vous n'ayez point. Mais comme on ne fait rien pour rien, je vous demande un potage aux carottes, un ragoût de mouton et un de boeuf, comme ceux que nous eûmes lorsque M. le commandeur de Souvré dîna chez vous, de la sauce verte, et un autre plat, soit un chapon aux pruneaux, ou telle autre chose que vous jugerez digne de votre choix. Si je pouvais espérer deux assiettes de ces confitures dont je ne méritais pas de manger d'autrefois, je croirais vous être redevable toute ma vie. J'envoie donc savoir ce que je puis espérer pour lundi à midi; on apportera tout cela ici dans mon carrosse, et je vous rendrai compte du succès de vos bienfaits.

Je vous supplie très humblement de me renvoyer les quatre maximes que nous fîmes dernièrement, et de vous souvenir que vous m'avez promis le Traité de l'amitié et ce que vous avez ajouté à l'Education des enfants.

Ce vendredi au soir.

"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."

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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 21:45
Cliton n'a jamais eu en toute sa vie que deux affaires, qui est de dîner le matin et de souper le soir; il ne semble né que pour la digestion. Il n'a de même qu'un entretien: il dit les entrées qui ont été servies au dernier repas où il s'est trouvé; il dit combien il y a eu de potages, et quels potages; il place ensuite le rôt et les entremets; il se souvient exactement de quels plats on a relevé le premier service; il n'oublie pas les hors-d'oeuvre, le fruit et les assiettes; il nomme tous les vins et toutes les liqueurs dont il a bu; il possède le langage des cuisines autant qu'il peut s'étendre, et il me fait envie de manger à une bonne table où il ne soit point. Il a surtout un palais sûr, qui ne prend point le change, et il ne s'est jamais vu exposé à l'horrible inconvénient de manger un mauvais ragoût ou de boire d'un vin médiocre. C'est un personnage illustre dans son genre, et qui a porté le talent de se bien nourrir jusques où il pouvait aller: on ne reverra plus un homme qui mange tant et qui mange si bien; aussi est-il l'arbitre des bons morceaux, et il n'est guère permis d'avoir du goût pour ce qu'il désapprouve. Mais il n'est plus: il s'est fait du moins porter à table jusqu'au dernier soupir; il donnait à manger le jour qu'il est mort. Quelque part où il soit, il mange; et s'il revient au monde, c'est pour manger.
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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 21:42
Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils n'étaient point. Non content de remplir à une table la première place, il occupe lui seul celle de deux autres; il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie; il se rend maître du plat, et fait son propre de chaque service: il ne s'attache à aucun des mets, qu'il n'ait achevé d'essayer de tous; il voudrait pouvoir les savourer tous tout à la fois. Il ne se sert à table que de ses mains; il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu'il faut que les conviés, s'ils veulent manger, mangent ses restes. Il ne leur épargne aucune de ces malpropretés dégoûtantes, capables d'ôter l'appétit aux plus affamés; le jus et les sauces lui dégouttent du menton et de la barbe; s'il enlève un ragoût de dessus un plat, il le répand en chemin dans un autre plat et sur la nappe; on le suit à la trace. Il mange haut et avec grand bruit; il roule les yeux en mangeant; la table est pour lui un râtelier; il écure ses dents, et il continue à manger.
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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 21:30
Dans la bibliothèque dominicaine, un docteur en théologie, un frère prêcheur, le r. p. Rouard De Card, ne s'était-il pas trouvé qui, à l'aide d'une brochure intitulée : "de la falsification des  substances sacramentelles" avait péremptoirement démontré que la majeure partie des messes n'était pas valide, par ce motif que les matières servant au culte étaient sophistiquées par des commerçants. Depuis des années, les huiles saintes étaient adultérées par de la graisse de volaille ; la cire, par des os calcinés ; l'encens, par de la vulgaire résine et du vieux benjoin. Mais ce qui était pis, c'était que les substances, indispensables au saint sacrifice, les deux substances sans lesquelles aucune oblation n'est possible, avaient, elles aussi, été dénaturées : le vin, par de multiples coupages, par d'illicites introductions de bois de Fernambouc, de baies d'hièble, d'alcool, d'alun, de salicylate, de litharge ; le pain, ce pain de l'eucharistie qui doit être pétri avec la fine fleur des froments ! Par de la farine de haricots ! De la potasse et de la terre de pipe ! Maintenant enfin, l'on était allé plus loin ; l'on avait osé supprimer complètement le blé et d'éhontés marchands fabriquaient presque toutes les hosties avec de la fécule de pomme de terre ! Or, Dieu se refusait à descendre dans la fécule. C'était un fait indéniable, sûr ; dans le second tome de sa théologie morale, s. e. le cardinal Gousset, avait, lui aussi, longuement traité cette question de la fraude au point de vue divin ; et, suivant l'incontestable autorité de ce maître, l'on ne pouvait consacrer le pain composé de farine d'avoine, de blé sarrasin, ou d'orge, et si le cas demeurait au moins douteux pour le pain de seigle, il ne pouvait soutenir aucune discussion, prêter à aucun litige, quand il s'agissait d' une fécule qui, selon l'expression ecclésiastique, n'était, à aucun titre, matière compétente du sacrement. Par suite de la manipulation rapide de la fécule et de la belle apparence que présentaient les pains azymes créés avec cette matière, cette indigne fourberie s'était tellement propagée que le mystère de la transsubstantiation n'existait presque jamais plus et que les prêtres et les fidèles communiaient, sans le savoir, avec des espèces neutres.
Ah ! Le temps était loin où Radegonde, reine de France, préparait elle-même le pain destiné aux autels, le temps où, d'après les coutumes de Cluny, trois prêtres ou trois diacres, à jeûn, vêtus de l'aube et de lamict, se lavaient le visage et les doigts, triaient le froment, grain à grain, l'écrasaient sous la meule, pétrissaient la pâte dans une eau froide et pure et la cuisaient eux-mêmes sur un feu clair, en chantant des psaumes !
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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 21:15
au-dessus de la haie séparant le jardin en contrebas de la route surélevée montant au fort, il aperçut des gamins qui se roulaient, en plein soleil, dans la lumière.
Il concentrait son attention sur eux quand un autre, plus petit, parut, sordide à voir ; il avait des cheveux de varech remplis de sable, deux bulles vertes au dessous du nez, des lèvres dégoûtantes, entourées de crasse blanche par du fromage à la pie écrasé sur du pain et semé de hachures de ciboule verte.
Des Esseintes huma l'air ; un pica, une perversion s'empara de lui; cette immonde tartine lui fit venir l'eau à la bouche. Il lui sembla que son estomac, qui se refusait à toute nourriture, digérerait cet affreux mets et que son palais en jouirait comme d' un régal.
Il se leva d'un bond, courut à la cuisine, ordonna de chercher dans le village, une miche, du fromage blanc, de la ciboule, prescrivit qu'on lui apprêtât une tartine absolument pareille à celle que rongeait l'enfant, et il retourna s'asseoir sous son arbre.
Les marmots se battaient maintenant. Ils s arrachaient des lambeaux de pain qu'ils s'enfonçaient, dans les joues, en se suçant les doigts. Des coups de pied et des coups de poing pleuvaient et les plus faibles, foulés par terre, ruaient, et pleuraient, le derrière raboté par les caillasses.
 [...]
Le domestique interrompit les charitables réflexions que ruminait Des Esseintes, en lui apportant sur un plat de vermeil la tartine qu'il avait souhaitée. Un haut de coeur le tordit ; il n'eut pas le courage de mordre ce pain, car l'excitation maladive de l'estomac avait cessé ; une sensation de délabrement affreux lui revenait ; il dut se lever ; le soleil tournait et gagnait peu à peu sa place ; la chaleur devenait à la fois plus pesante et plus active.
- jetez cette tartine, dit-il au domestique, à ces enfants qui se massacrent sur la route ; que les
plus faibles soient estropiés, n'aient part à aucun morceau et soient, de plus, rossés d'importance par leurs familles quand ils rentreront chez elles les culottes déchirées et les yeux meurtris ; cela leur donnera un aperçu de la vie qui les attend !
Et il rejoignit sa maison et s'affaissa, défaillant, dans un fauteuil. 
- il faut pourtant que j'essaie de manger un peu, se dit-il. Et il tenta de tremper un biscuit dans un vieux constantia de J-P Cloete, dont il lui restait en cave quelques bouteilles.
Ce vin, couleur de pelure d'oignons un tantinet brûlé, tenant du malaga rassis et du porto, mais avec un bouquet sucré, spécial, et un arrière-goût de raisins aux sucs condensés et sublimés par d'ardents soleils, l'avait parfois réconforté, et souvent même avait infusé une énergie nouvelle à son estomac affaibli par les jeûnes forcés qu'il subissait ; mais ce cordial, d'ordinaire si fidèle, échoua. Alors, il espéra qu'un émollient refroidirait peut-être les fers chauds qui le brûlaient, et il recourut au nalifka, une liqueur russe, contenue dans une bouteille glacée d'or mat ; ce sirop onctueux et framboisé fut, lui aussi, inefficace.
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20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 21:05
Des Esseintes considéra les arcades de la rue de Rivoli, noyées dans l'ombre et submergées par l'eau, et il lui sembla qu'il se tenait dans le morne tunnel creusé sous la Tamise ; des tiraillements d'estomac le rappelèrent à la réalité ; il rejoignit sa voiture, jeta au cocher l'adresse de la taverne de la rue d'Amsterdam, près de la gare, et il consulta sa montre : sept heures. Il avait juste le temps de dîner ; le train ne partait qu'à huit heures cinquante minutes, et il comptait sur ses doigts, supputait les heures de la traversée de Dieppe à Newhaven, se disant : - si les chiffres de l' indicateur sont exacts, je serai demain, sur le coup de midi et demi, à Londres. Le fiacre s'arrêta devant la taverne ; de nouveau, Des Esseintes descendit et il pénétra dans une longue salle, sans dorure, brune, divisée par des cloisons à mi-corps, en une série de compartiments semblables aux boxs des écuries ; dans cette salle, évasée près de la porte, d'abondantes pompes à bières se dressaient sur un comptoir, près de jambons aussi culottés que de vieux violons, de homards peints au minium, de maquereaux marinés, avec des ronds d'oignons et de carottes crus, des tranches de citron, des bouquets de laurier et de thym, des baies de genièvre et du gros poivre nageant dans une sauce trouble.
L'un de ces boxs était vide. Il s'en empara et héla un jeune homme en habit noir, qui s'inclina en jargonnant des mots incompréhensibles. Pendant que l'on préparait le couvert, des Esseintes contempla ses voisins ; de même qu' à la bodéga, des insulaires, aux yeux faïence, au teint cramoisi, aux airs réfléchis ou rogues, parcouraient des feuilles étrangères ; seulement des femmes, sans cavaliers, dînaient, entre elles, en tête à tête, de robustes anglaises aux faces de garçon, aux dents larges comme des palettes, aux joues colorées, en pomme, aux longues mains et aux longs pieds. Elles attaquaient, avec une réelle ardeur, un rumpsteak-pie, une viande chaude, cuite dans une sauce aux champignons et revêtue de même qu'un pâté, d'une croûte. Après avoir perdu depuis si longtemps l'appétit, il demeura confondu devant ces gaillardesdont la voracité aiguisa sa faim. Il commanda un potage oxstail, se régala de cette soupe à la queue de boeuf, tout à la fois onctueuse et veloutée, grasse et ferme ; puis, il examina la liste des poissons, demanda un haddok, une sorte demerluche fumée qui lui parut louable et, pris d' un fringale à voir s' empiffrer les autres, mangea un rosbif aux pommes et s'enfourna deux pintes d'ale, excité par ce petit goût de vacherie musquée que dégage cette fine et pâle bière.
Sa faim se comblait ; il chipota un bout de fromage bleu de Stilton dont la douceur s'imprégnait d'amertume, picora une tarte à la rhubarbe, et, pour varier, étancha sa soif avec le porter, cette bière noire qui sent le jus de réglisse dépouillé de sucre. Il respirait ; depuis des années il n'avait et autant bâfré et autant bu ; ce changement d'habitude, ce choix de nourritures imprévues et solides avait tiré l'estomac de son somme. Il s'enfonça dans sa chaise, alluma une cigarette et s'apprêta à déguster sa tasse de café qu'il trempa de gin.
La pluie continuait à tomber ; il l'entendait crépiter sur les vitres qui plafonnaient le fond de la pièce et dégouliner en cascades dans les gargouilles ; personne ne bougeait dans la salle ; tous se dorlotaient, ainsi que lui, au sec, devant des petits verres.
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